Lettre ouverte à Madame Caroline CAYEUX, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales
Madame la ministre,
Nous, bénévoles, militant·es pour l'égalité des droits, association de lutte contre les LGBTIphobies avons été particulièrement choqué·es par les propos que vous avez tenus lors de votre interview sur Public Sénat.
Dès 2012 lors du début des débats précédent l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, vous vous étiez positionnée comme opposante à l’égalité des droits en affirmant que « Pour moi le mariage c’est un homme et une femme, et l’adoption c’est un homme et une femme« et que « L’institution du mariage doit donc être préservée dans sa forme actuelle » .
En 2013, vous avez réaffirmé votre position, considérant que « l'exigence du mariage homosexuel, et l’adoption des enfants qui va avec, n’est pas simplement un dessein qui va contre la nature ». Vous avez cru pouvoir qualifier l’affirmation du droit pour toute personne de mener une vie privée et familiale de « fuite en avant », méprisant les personnes LGBTI en énonçant que « plus rien n'arrête le désir », et en allant jusqu’à prophétiser des « dégâts ». Là encore, vos propos s’inscrivaient dans la continuité de ceux que vous aviez tenus en 2012, à savoir que le mariage ne pouvait s’entendre qu’entre « un homme et une femme qui souhaitent fonder une famille » .
Pourtant, interrogée sur vos propres paroles la semaine passée, vous avez alors déclaré : « Je maintiens évidemment mes propos ». Malheureusement, Madame la ministre, ce n’est pas la chose la plus grave que vous avez dite ce jour-là : pour tenter de dissimuler votre LGBTIphobie, vous avez cru bon d’ajouter que « Je dois vous dire quand même j'ai beaucoup d'amis parmi ces gens-là. »
À la suite de la vive réaction du monde associatif, ainsi que de nombreuses personnalités politiques et de nombreux médias, vous nous avez adressé une lettre d’excuses dans laquelle vous nous expliquez vous être mal exprimée et que le temps a fait son œuvre sur vos convictions, qui ont évolué depuis que vous aviez tenu ces propos.
Parce que l’un des trois piliers de SOS homophobie est de prévenir les LGBTIphobies par la sensibilisation, nous pensons que les personnes peuvent changer, et nous ne demandions qu’à vous croire. Pourtant, votre lettre passe sous silence cette expression violente et emplie de mépris qu’est « ces gens là », qui est d’autant plus inacceptable qu’elle a été prononcée par une membre du gouvernement qui ostracise ouvertement les personnes lesbiennes, gays, bies ou trans, en ne daignant même pas les nommer.
Vous estimez, Madame la ministre, que « c'est un mauvais procès qu’on [vous] fait » et que cela vous a « beaucoup contrariée » .
Aujourd’hui, nous ne sommes pas simplement contrarié·es : nous sommes en colère, et nous sommes écœuré·es de constater que les autres membres du gouvernement de Madame Elisabeth Borne considèrent qu’il ne s'agit là que d’une « erreur », et encore, lorsque le sujet n’est pas purement et simplement écarté.
Comment pourrions-nous accepter d’entendre Monsieur Olivier VÉRAN, le porte-parole du gouvernement, affirmer que vous vous êtes excusée que nous devons « passer à autre chose », alors même que vous n’avez présenté aucune excuse pour ces propos méprisants ?
En tant que ministre, vos mots, vos comportements, comme ceux de vos collègues, ont une résonance particulière au sein de notre société : il est impensable d’espérer lutter contre toutes les discriminations lorsque la parole LGBTIphobe peut s’exprimer librement et sans la moindre conséquence au plus haut niveau de l’État.
Cette lutte est pourtant indispensable, car les actes anti-LGBTI sont hélas toujours présents dans notre pays : en 2021, ce sont 1515 témoignages de LGBTIphobies qui ont été reçus par les bénévoles de SOS homophobie via notre ligne d’écoute, notre chat’écoute et notre formulaire de témoignage.
Le gouvernement nous a assuré avoir pris toute la mesure de l’ampleur de ces phénomènes, et nous avons nourri l’espoir que cela serait, peut-être, enfin le cas. Que toutes ces annonces, tous ces plans nationaux de formation, toutes ces promesses de lancement de campagnes de prévention, tous ces engagements pris de venir en aide au monde associatif, seraient exécutés avec sincérité et détermination.
Nous ne pouvons que constater que l’indignité de vos propos et leur réitération sont irrémédiablement incompatibles avec la volonté affichée par le président de la République et la Première ministre de lutter contre les discriminations et pour l’égalité des droits.
Si ces engagements du gouvernement en direction de l’égalité des droits et de la protection des personnes LGBTI sont sincères, nous ne pouvons imaginer que vous puissiez vous y maintenir et vous demandons, le cas échéant, de démissionner immédiatement et irrévocablement de vos fonctions de ministre.
Nous espérons par ailleurs pouvoir compter sur vos excuses publiques et, nous l'espérons, cette fois sincères, pour avoir désigné les personnes lesbiennes, gays, bies et trans, comme « ces gens là ».
Nous vous prions d’avoir l’assurance, Madame la ministre, de nos salutations les plus respectueuses.
Lucile JOMAT,
Présidente de SOS homophobie